La Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Geneviève Fioraso, a renforcé les missions des alliances nationales de recherche. AllEnvi a rassemblé ses « troupes » durant un séminaire pour dégager les grandes priorités de la recherche environnementale. Retour sur ces deux jours d’échanges avec François Houllier le président d’AllEnvi.
La Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a récemment renforcé le rôle des Alliances. Dans quel sens ?
François Houllier : Geneviève Fioraso a effectivement défini de nouvelles missions pour les alliances nationales de recherche. La première est de proposer les bases d’une Stratégie nationale de recherche dont le principe est acté dans le cadre de la préparation de la future loi de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Cette stratégie définira les priorités scientifiques et technologiques, notamment pour répondre aux défis sociétaux auxquels notre pays aura à faire face dans les prochaines années. AllEnvi sera également désormais en charge de l’identification des priorités de la programmation de l’ANR dans le domaine de la recherche environnementale. Enfin, l’implication des alliances dans la coordination des infrastructures de recherche a été renforcée à l’occasion de la création du comité directeur des très grandes infrastructures de recherche, auquel participe chaque président d’alliance.
Une première contribution à la Stratégie nationale de recherche est attendue pour le 1er juin 2013. Comment l’alliance se mobilise-t-elle ?
F. H. : AllEnvi a organisé un séminaire, les 9 et 10 avril derniers, pour commencer à dégager des priorités de recherche en environnement. Ces deux jours ont permis de rassembler les experts de l’alliance et d’amorcer une réflexion collective sur la base de premières contributions qui leur avaient été demandées début mars. Malgré ce bref délai, les restitutions ont été denses et de qualité et je suis très heureux d’avoir pu constater une telle mobilisation de la part des membres d’AllEnvi. Définir des priorités scientifiques pour répondre aux défis sociétaux est un exercice complexe. Beaucoup de questions environnementales sont communes à plusieurs défis. En outre, nous devons dégager des priorités à un grain plus gros que celui des 13 groupes thématiques qui structurent l’alliance. Des questions transversales comme celles du risque environnemental, des indicateurs ou du traitement des données massives ont ainsi eu tendance à ressortir lors du séminaire. La prochaine assemblée générale d’AllEnvi, prévue le 23 mai, sera l’occasion de valider les contributions qui seront remises le 1er juin à la Direction générale pour la recherche et l’innovation.
Le cadrage général de la future Stratégie nationale de recherche est structuré en sept grands défis sociétaux. Combien concernent AllEnvi ?
F. H. : Deux défis sont au cœur des thématiques de l’alliance : « Sécurité alimentaire, défi démographique et bio-économie » et « Gestion sobre des ressources et adaptation au changement climatique ». Mais les sciences de l’environnement, étant par nature systémiques, multi-échelles et multidisciplinaires, se situent à la périphérie de trois autres défis : « Santé et bien-être », « Une énergie propre, sûre et efficace » et enfin « Mobilité et systèmes urbains durables ». Pour ceux-là, la contribution d’AllEnvi doit se coordonner avec celle des autres alliances thématiques et se concentrer sur les plus-values offertes par la recherche environnementale, par exemple l’écologie de la santé considérée globalement. AllEnvi est également concernée par le huitième défi « Stimuler le renouveau industriel ».
Ces grands défis sociétaux s’alignent sur ceux proposés par l’Europe dans le futur programme-cadre Horizon 2020. Une cohérence logique à l’heure où les questions de recherche n’échappent pas à la globalisation…
F. H. : Oui. Aujourd’hui, nous faisons face à toute une série de transitions concomitantes, une « tempête parfaite » comme disent les anglo-saxons, c’est-à-dire un concours de circonstances qui tend à aggraver les effets liés à différentes crises et à différentes transitions : démographique, alimentaire, climatique, de la biodiversité, énergétique. La recherche environnementale est au cœur des défis sociétaux qui en découlent. Elle concerne ce que nous mangeons et buvons, l’air que nous respirons, les lieux où nous vivons, les ressources que nous exploitons, les paysages dans lesquels nous vivons… Cette globalisation des questions de recherche impose effectivement un agenda coordonné au delà du seul niveau national.
Quelles conséquences, ces nouvelles missions impliquent-elles pour l’avenir d’AllEnvi ?
F. H. : Face à l’ampleur des défis, il est urgent de ne pas se contenter d’une vision catastrophiste ou contemplative. La recherche doit être force de proposition pour contribuer à la transition environnementale. Les membres d’AllEnvi vont permettre d’avancer aussi bien par la recherche fondamentale, pour la compréhension des phénomènes et des mécanismes qui sont à l’œuvre, que par l’ingénierie et la technologie pour proposer des solutions et des pistes d’adaptation aux changements globaux ou pour imaginer de nouvelles filières et de nouveaux services. Pour cela, l’alliance, dont les membres représentent la recherche publique, doit associer à sa réflexion les autres porteurs d’enjeux issus du monde économique et industriel, du monde associatif, des collectivités et des pouvoirs publics. Il y a donc là une interface à construire avec l’ensemble des parties prenantes de la société. C’est indispensable pour que la recherche ne se fasse pas qu’entre soi.
Propos recueillis par Caroline Dangléant