Gérard Jacquin, directeur de la Valorisation à l’Inra et animateur du groupe CovAllEnvi définit le projet du Consortium de valorisation thématique de l’alliance.
Pouvez-vous nous définir le CVT ALLENVI et nous rappeler la genèse du projet ?
Gérard Jacquin : On peut définir COVALLENVI comme un groupe représentant l’Alliance des valorisations et non la valorisation de l’Alliance. Le CVT ALLENVI porté par ce groupe s’inscrit dans cette philosophie : c’est un consortium public qui sera élargi au-delà des membres de ALLENVI pour y mutualiser certains métiers utiles à la valorisation, mais chaque organisme membre de l’alliance y conservera sa politique propre de valorisation et s’alliera aux autres pour former un consortium avec des objectifs communs et, projet par projet, enrichir l’offre et l’attractivité de la recherche publique pour les partenaires privés.
Le projet CVT ALLENVI s’est défini pas à pas lors d’échanges et de discussions avec les autres alliances de programmation de la recherche, notamment AVIESAN, elles aussi candidates à l’appel à projets. La politique adoptée par les pouvoirs publics pour la création des CVT a été originale : elle n’est pas passée par un appel d’offres ouvert cherchant une mise en concurrence générale mais a privilégié une vision transversale et homogène de la valorisation de la recherche en construisant le dispositif national en étroite synergie avec les Alliances, mandatées pour porter ces projets. Les cinq alliances de programmation de la recherche Allenvi, Aviesan, Ancre, Allistene, Athena, ont ainsi vu leurs CVT labellisés le 9 mai 2012. Un CVT Sud a été ajouté au dispositif porté par IRD, CIRAD et Pasteur.
Quel est le projet du CVT ALLENVI et quels sont ses principaux objectifs ?
G. J. : En accord avec les alliances Ancre et Aviesan, nous avons décidé de centrer la mission centrale de notre CVT sur le métier de « l’intelligence économique ». Le CVT ALLENVI a donc pour objectif de devenir un centre de ressources et d’expertises en « intelligence économique » spécialisé dans les grands champs thématiques et applicatifs de ALLENVI. Nous avons en effet considéré que le monde de la recherche publique française a besoin de professionnaliser ses analyses en termes de positionnement concurrentiel international, de recherche d’opportunités et de vision proactive de ses atouts et facteurs clés de succès dans la compétition mondiale. Les études d’analyse sectorielle collective qui seront pratiquées répondront à ce besoin collectif et accompagneront la montée en puissance des acteurs publics dans ses offres de partenariat avec les partenaires privés.
Ces études, qui porteront sur des domaines de valorisation stratégique sélectionnés par le Conseil de ALLENVI, permettront de transmettre aux chercheurs publics, pour chaque secteur économique choisi, des données consolidées et structurées sur :
- les jeux concurrentiels, tant académiques que privés,
- les fronts scientifiques et industriels internationaux,
- la place de la propriété intellectuelle hexagonale dans le contexte de la concurrence internationale,
- des études de marchés et de la réglementation afférentes au domaine,
- les guichets de financements pour monter des projets de partenariat à l’international.
Le projet prévoit donc la création d’un centre d’intelligence économique sectorielle. Commun à tous les membres fondateurs de ALLENVI, le consortium sera ouvert aux acteurs publics suivants : membres associés de ALLENVI, SATT, Instituts Carnot, ITE, France Brevets et IRT, qui s’acquitteront d’une cotisation pour accéder à l’ensemble des données analysées lors des études collectives réalisées. Ce centre sera géré par une équipe de 8 personnes (effectif maximal prévu : direction, secrétariat, chargés de valorisation, responsables de commercialisation des études et information scientifique et technique…)
L’option retenue a été de créer une Business Unit au sein de la filiale Inra Transfert, l’Inra ayant été désigné le 30 juin 2011 comme le mandataire de ALLENVI pour administrer les fonds. Cette BU sera dotée des moyens de comptabilité analytique nécessaires et d’une réelle autonomie de gestion, placée sous la gouvernance des représentants des membres de ALLENVI.
Comment la Business Unit va-t-elle fonctionner avec les groupes de travail de ALLENVI ?
G. J. : Au début du projet, nous pensions que chaque groupe de travail pourrait définir un domaine de valorisation spécifique. En fait, « l’intelligence économique » s’appliquera à des champs thématiques transversaux et intégrateurs impliquant le plus souvent plusieurs membres et plusieurs groupes de travail. Ces groupes de travail seront donc sollicités aussi et surtout pour fournir des offres technologiques de base et des experts sur des thématiques données.
Ainsi, en premier lieu, nous allons définir un certain nombre de domaines de valorisation stratégique. Sur cette base le Conseil de ALLENVI décidera de lancer des études lourdes d’analyse sectorielle collective approfondies. Ces études seront animées par un scientifique leader acceptant de dédier 20 % de son temps à la conduite de l’étude avec l’appui d’autres membres. En appui à ces différents experts issus des groupes de travail, le CVT affectera à temps plein un chargé de valorisation qui épaulera le groupe et rédigera ses délivrables.
Comment le CVT va-t-il pouvoir venir en appui au travail du chercheur ?
G. J. : Le chercheur évolue aujourd’hui dans un environnement international, dès lors l’analyse sectorielle menée dans un DVS va lui fournir des repères précieux en lui dressant dans ce périmètre un panorama de la recherche en identifiant :
- les leaders académiques des différents pays (États-Unis, Europe, BRIC…)
- les brevets repérés dans le domaine,
- les entreprises leaders du secteur (grands groupes, PME, JEI, ETI…),
- les analyses de marchés pertinentes. Beaucoup d’entreprises travaillent-elles sur les enjeux du DVS ? Quelles sont les dynamiques de marchés prometteuses à 10 ans justifiant un investissement en Recherche et Développement)
- les impacts des réglementations (par exemple en environnement certaines législations européennes peuvent freiner ou contraire dynamiser la recherche; mais aussi les décalages entre les réglementations internationales doivent être intégrées)
- les guichets de financement internationaux dans lesquels on pourrait avoir des chances sérieuses d’obtenir des financements dans le périmètre du DVS.
Attention, l’analyse sectorielle n’est pas réalisée à la demande d’un seul chercheur, ni d’un groupe de chercheurs, mais doit engager au plus haut niveau plusieurs membres et leurs DG !
A l’issue de chaque étude un séminaire national de veille scientifique/formation ouvert aux chercheurs publics et privés est prévu afin d’en promouvoir et d’en diffuser les résultats.
Comment résumer en quelques mots ce que le CVT va apporter aux partenaires de recherches et aux partenaires industriels ?
G. J. : Le premier atout stratégique du CVT, pour les institutions de recherche membres fondateurs de ALLENVI, est qu’il dispose d’un financement qui est acquis sur la durée. Il peut donc construire un projet, dégager une stratégie pour venir renforcer durablement les démarches collectives déjà initiées au sein de ALLENVI, mais qui manquent parfois de financements incitatifs pour professionnaliser leurs activités en termes de productions et de délivrables.
Un deuxième atout, qui est aussi une opportunité, est que le CVT au terme des analyses sectorielles menées va permettre de renforcer les chances des équipes de recherches d’être lauréats d’appels à projets internationaux : mise à disposition de données concurrentielles et dotations pour monter des projets.
Nos partenaires industriels ont, de leur côté, besoin de chercheurs non seulement excellents au plan académique, mais aussi parfaitement au fait de leur environnement international aux niveaux scientifique et industriel. Là encore, les analyses sectorielles vont jouer un rôle décisif.
Enfin, COVALLENVI prendra le relais du CVT pour mener des feuilles de route public/privé dans les périmètres des DVS, pour y maintenir une animation durable ( veilles, séminaires ) et pour constituer des grappes de brevets dont la valorisation devra être confiée à un mandataire unique choisi parmi les adhérents au Consortium de Valorisation Thématique commun.
Entretien téléphonique du 16/05/2012. Gérard Jacquin – Emilie Bremond