Les grandes transitions environnementales doivent permettre de n’atteindre rien de moins qu’un nouveau modèle de société. Et l’urgence des défis enjoints la recherche à des changements radicaux de paradigme. Lors de ses Rencontres scientifiques, AllEnvi a mobilisé les 28 organismes qui la composent pour échanger sur ces ambitieux objectifs. Rencontre avec Stéphanie Thiébault, Directrice de l’Institut écologie et environnement (INEE) au CNRS et Vice-présidente de l’alliance.
La prise de conscience de la nécessité d’évolution de nos sociétés semble actée. Mais le rôle des scientifiques ne se limite pas à lancer des alertes…
Stéphanie Thiébault : La COP21 l’a bien montré, la COP22 va le conforter, les chercheurs ont, non seulement des savoirs à partager, mais des solutions à proposer. La coexistence des transitions climatique, énergétique, écologique et numérique, amène assez naturellement, par exemple, à une réflexion sur l’usage du sol, lieu où se joue la tension entre biomasse énergie, sécurité alimentaire, protection et services écosystémiques, le tout relié par ce qui est aujourd’hui appelé « big data ». De même, il est impératif de comprendre les écosystèmes et les anthroposystèmes (socioécosystèmes) et de proposer des modèles à différentes échelles, de scénarios d’adaptation au changement global. La prise en compte des risques associés aux transitions climatique et énergétique est aussi à prévoir, qu’ils soient liés à l’exploitation des ressources naturelles, aux émissions de particules fines, aux substances toxiques, etc. Il s’agit aussi de tenir compte des impacts des changements globaux sur les catastrophes naturelles et sur les risques d’origine biologique (invasions biologiques, maladies infectieuses émergentes…). La plupart des scientifiques sont depuis longtemps investis dans une dynamique au service de la transition environnementale. Aux parties prenantes de faire en sorte qu’ils soient entendus, voire écoutés.
La variété des présentations de ces Rencontres illustre l’ubiquité du défi à relever… Quels sont les enjeux pour la recherche et pour son organisation ?
S. T. : Les chercheurs qui vont se succéder lors des Rencontres scientifiques d’AllEnvi illustrent bien les changements de paradigme pour la recherche et la complexité de la palette de thématiques au sein même des transitions. Les sciences de l’environnement à l’instar de l’écologie sont bien celles de la complexité, et, tout comme le défi de la transition numérique nous le montre, elles appellent à avoir une vision systémique qu’il faut maintenant construire, tester, expérimenter, modéliser et surtout valoriser et transmettre.
L’Idée de consacrer les Rencontres scientifiques d’AllEnvi aux transitions climatique, énergétique et écologique s’est-elle imposée d’elle-même ?
S. T. : Oui, et pour plusieurs raisons. Tout d’abord, dans le sillage de la loi sur la transition énergétique, le succès de la COP21 où les scientifiques se sont fortement mobilisés et ont même su se faire entendre, l’année 2016 ne pouvait qu’être celle de toutes les transitions. Les propositions des groupes de travail d’AllEnvi posaient très bien les grands enjeux, les réponses qui pouvaient être apportées en fonction des connaissances scientifiques et les moyens de les diffuser. C’est ainsi que l’idée d’un événement centré sur les transitions s’est imposée. Les grandes idées étant souvent partagées, le Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer souhaitait organiser lui aussi un colloque sur la transition écologique. Il a été décidé de fusionner les deux projets : les scientifiques seront réunis pendant une journée sur le site du CNRS, puis acteurs de la recherche et parties prenantes échangeront les deux jours suivants au Ministère de l’Écologie.
Propos recueillis par Caroline Dangléant