Catherine Esnouf et Hubert Devautour, les deux animateurs du groupe «Aliments et alimentation» d’AllEnvi reviennent sur les mérites de l’interdisciplinarité. Interview croisée à l’occasion d’un séminaire organisé par le groupe thématique le 15 février 2013.
Votre groupe est particulièrement transdisciplinaire…
Catherine Esnouf : Effectivement, dans une cartographie de la recherche liée à l’alimentation que nous avons commencé à réaliser, nous avons répertorié 15 disciplines ou groupes de disciplines dans le champ global de l’alimentation. Le séminaire organisé aujourd’hui réunissait six d’entre elles pour discuter autour de la question : « Faut-il, peut-on, et si oui, comment changer les comportements alimentaires ? » Les regards de l’histoire, de la psychologie, des neurosciences, de la sociologie, de l’économie et de la nutrition se sont confrontés. Nous souhaitons vivement réitérer l’expérience, peut-être une fois par an, sur des sujets transdisciplinaires.
Hubert Devautour : J’ajouterais que la question de l’alimentation ne se limite pas à son lien à l’environnement. Le questionnement est la durabilité de l’alimentation, ce qui englobe aussi des défis sur la santé, l’économie et le social. Cela confère à notre groupe thématique un positionnement un peu spécial au sein d’AllEnvi. Nous devons notamment assurer une interface avec l’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé, Aviesan.
AllEnvi favorise ce dialogue riche entre experts venant d’horizons divers…
C. E. : Complètement. Moi qui viens des sciences « dures » et qui ai déjà été confrontée aux apports de diverses sciences humaine et sociales, j’ai découvert l’apport de l’histoire dans l’étude de l’alimentation grâce à l’alliance.
H. D. : Moi j’ai un double parcours de technologue agroalimentaire et d’économiste, mais le groupe AllEnvi m’a fait découvrir d’autres points de vue comme par exemple celui des neurosciences. Chaque document produit par le groupe est déjà un travail transdisciplinaire et collégial. Les dialogues qui en découlent sont extrêmement riches. Nos recommandations en matière de programmation scientifique en bénéficient. Nous avons mis en évidence la nécessité d’initier des programmes de recherche pluridisciplinaires. Pour cela des animations plus ciblées sur certaines thématiques seront probablement nécessaires.
Quelles sont les premières conclusions tirées de votre travail de cartographie sur la recherche publique liée à l’alimentation ?
H. D. : Un des premiers constats est qu’il est difficile de repérer l’ensemble des équipes universitaires. Le second est que les chercheurs en Sciences Humaines et Sociales, eux aussi, ne sont pas toujours identifiables car insérés dans des unités ou des équipes plus souvent organisées par thématique disciplinaire que par objet de recherche. Par exemple, un historien de l’alimentation au Moyen Age peut travailler au sein d’une unité de recherche spécialisée en histoire médiévale dans laquelle « alimentation » n’est pas répertoriée.
C. E. : Une autre observation est le déficit dans certaines disciplines des Sciences Humaines et Sociales face aux sciences du vivant. Ces dernières représenteraient près des 3/4 des forces de recherche en alimentation. Une insuffisance très nette en psychologie, sciences de gestion , marketing et sciences politiques que nous recommandons de réduire .
H. D. : Il faut préciser les limites de ce travail de cartographie, notamment la seule prise en compte de la recherche publique. Or, il est nous est très difficile d’estimer le nombre de scientifiques du secteur privé travaillant sur des questions liées à l’alimentation.